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L’intelligence artificielle (IA) est un outil qui se déploie dans les entreprises et les administrations parfois sans que les travailleur·ses et les citoyen·nes (client·es et usager·es) n’en soient informé·es.

L’IA est un outil au service des êtres humains

Pour la CGT, l’IA est un outil au service des êtres humains qui peut permettre le progrès si le contrôle des données, des algorithmes, des conditions de leur production et de fixation de leur prix n’est pas laissé aux seules mains des entreprises

À ce titre, les travailleur·ses et leurs représentant·es ont des droits.

01 - En tant que salarié·es, quels sont nos droits avec les IA ?

  • Quels sont les droits des salarié·es par rapport à l’IA ?

L’IA, en tant qu’objet sociotechnique, est un outil de travail au même titre que les autres, qui peut s’intégrer à l’organisation du travail et avoir des effets sur les conditions de travail, de rémunération, de formation, etc. L’IA peut en effet être intégrée aux procédures métiers, y compris en remplaçant les tâches humaines, avec ou sans contrôle humain de cet outil.

Les directions ne peuvent pas faire tout ce qu’elles veulent avec l’IA :

  • des interdictions totales d’utilisation d’outils d’IA existent. Ceux-ci ne peuvent être déployés par les directions dans le travail. C’est le cas des outils d’IA qui visent à analyser les émotions, à la notation sociale, etc. (article 5 du règlement européen sur l’IA ; point 4 de l’annexe III relative à l’article 6) ;
  • des droits existent pour les salarié·es et sont décrits ci-après.

Conseil CGT : chaque recommandation de la CGT doit être mise en œuvre avec prudence car les employeurs ont parfois des réactions disproportionnées. Contactez la CGT de votre profession et/ou de votre territoire pour être accompagné·e dans vos démarches.

  • Peut-on refuser d’utiliser l’IA ?

La question dépend de la conséquence de l’introduction de l’IA sur votre poste de travail :

  • si l’introduction de l’IA suppose une modification du contrat de travail, alors l’employeur doit obtenir l’accord du/de la salarié·e par avenant à son contrat de travail ;
  • en revanche, si l’introduction de l’IA apporte un changement dans les conditions de travail, ne nécessitant pas de modification du contrat de travail, alors en principe le/la salarié·e ne peut refuser sans s’exposer à une éventuelle sanction disciplinaire.

Conseil CGT : consultez votre contrat de travail pour vérifier ses clauses (salaire, temps de travail, fonction, missions, etc.).

La question dépend aussi de l’effet de l’introduction de l’IA sur vos conditions de travail. Par exemple l’utilisation de l’IA dans le travail peut induire une exposition à des facteurs de risques socioorganisationnels ou psychosociaux (RPS) : conflits de valeur, intensité de la charge de travail, perte d’autonomie, exigences émotionnelles, etc.

Conseil CGT : consultez le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) de votre entreprise pour vérifier que votre employeur a évalué les risques associés à l’usage de l’IA. Ce document est prévu aux articles L. 4121-3 et R. 4121-1 à 4 du Code du travail. L’employeur doit afficher dans l’entreprise une information sur les modalités de consultation du DUERP (article R. 4121-4 du Code du travail). Si vous estimez que votre santé mentale ou physique est en danger en raison des réglages de l’outil d’IA, vous pouvez faire valoir votre droit d’alerte (article L. 4131-1 du Code du travail), mais il est alors très important de vous rapprocher en amont de vos représentant·es CGT pour discuter de la stratégie à mettre en œuvre avec elles et eux.

Si le refus de l’utilisation de l’IA est lié à une absence de formation sur l’outil, alors le refus peut être légitime tant que l’employeur n’a pas formé le/la salarié·e car l’entreprise a l’obligation d’assurer l’adaptation du/de la salarié·e à son poste de travail (article L. 6321-1 du Code du travail).

Attention cependant, il est possible qu’un refus catégorique d’utilisation de l’IA puisse amener à des sanctions voire au licenciement en fonction des cas. Par exemple si un accord de performance collective (APC) prévoyant des modifications du contrat de travail (diminution du temps de travail, évolution de la fiche de poste, etc.) a été conclu en raison de l’introduction d’un système d’IA dans une entreprise, le refus de la modification du contrat en raison de l’APC par un·e salarié·e pourait conduire à une rupture de son contrat (article L. 2254-2 du Code du travail).

  • Qu’est-ce que je risque si j’utilise l’IA dans mon travail sans que l’employeur ne le sache  ?

L’IA est un outil faillible qui peut vous conduire à commettre des erreurs dans votre travail. En outre l’IA se nourrit de données produites par votre entreprise ou votre administration qui peuvent être confidentielles. Il faut donc être très prudent·e avec l’utilisation de cet outil car vous risquez une sanction disciplinaire (faute, manquement à la clause de confidentialité). Cela relève du règlement intérieur et/ou de la charte informatique de l’entreprise quant à l’utilisation des outils et matériels numériques.

  • L’employeur doit-il m’informer personnellement s’il utilise mes données personnelles dans ses systèmes d’IA ?

L’employeur doit informer le/la salarié·e s’il utilise ses données personnelles dans des systèmes d’IA. Parmi les données personnelles il y a le nom, le numéro de Sécurité sociale, la date de naissance, mais aussi des données qui visent la surveillance algorithmique de la personne (ex. le suivi du mouvement de la souris de l’ordinateur).

L’article 13 du RGPD prévoit une obligation pour le/la responsable du traitement des données à caractère personnel (le/la responsable de l’entreprise ou de l’administration, ou son/sa délégué·e) d’informer la personne concernée notamment sur les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel ainsi que la base juridique du traitement. L’information doit également porter sur les destinataires ou catégories de destinataires des données à caractère personnel s’ils/elles existent. L’article contient un § 3 qui précise que « lorsqu’il a l’intention d’effectuer un traitement ultérieur des données à caractère personnel pour une finalité autre que celle pour laquelle les données à caractère personnel ont été collectées, le responsable du traitement fournit au préalable à la personne concernée les informations au sujet de cette autre finalité et toute autre information pertinente ».

L’article L. 1222-4 du Code du travail précise par ailleurs qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas préalablement été porté à sa connaissance », tel est le cas notamment lors de l’introduction d’une IA susceptible d’utiliser les données du/de la salarié·e.

Conseil CGT : contactez le/la responsable du traitement des données pour obtenir l’information sur le traitement de vos données par votre employeur, en cas de manquement il vous est possible de saisir la Cnil qui peut intervenir sur le traitement illégal de vos données personnelles. Contactez en amont votre syndicat CGT pour être accompagné·e dans ces démarches.

  • Est-ce que je peux explicitement refuser d’être soumis·e à un traitement exclusivement fait par l’IA (notamment en phase de recrutement, d’évaluation annuelle, de formation, etc.)  ?

Oui. Les salarié·es doivent tout d’abord être informé·es des « méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à [leur] égard. » (article L. 1222‑3 du Code du travail). L’article 22 du RGPD dispose que « la personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur le traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire ». Il y a certaines exceptions à cette règle, par exemple (liste non exhaustive) :

  • lorsque la décision est fondée sur le consentement explicite de la personne concernée ;
  • lorsque la décision est nécessaire à la conclusion ou l’exécution d’un contrat entre la personne concernée et le/la responsable du traitement.

Ainsi, si l’employeur envisage de prendre une décision fondée exclusivement sur le traitement automatisé, il doit, pour que cette décision soit licite, obtenir au préalable le consentement explicite de la personne concernée. Sans cela, la décision pourrait être illicite.

Conseil CGT : vérifiez tous les documents que vous avez signés ou qui sont soumis à votre signature (chartes, formulaires, etc.) afin de contrôler les traitements automatisés que l’employeur a prévu de mettre en place via l’outil d’IA. Contactez votre syndicat CGT pour réfléchir à une stratégie collective, y compris de refus éventuel de faire l’objet d’une décision entièrement automatisée, sous la forme d’un courrier adressé à votre employeur.

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) veille au respect des principes de « minimisation du risque d’erreur » et de garantie de « l’assurance d’un traitement équitable et transparent ». Elle a, à ce titre, une conception assez large de ce qu’est une « décision » prise par un algorithme (ex. une note donnée au/à la potentiel·le client·e d’une banque, aussi appelée « scoring ») – CJUE, 7 décembre 2023, affaire C-634/21, SCHUFA Holding.

 

02 - Quels sont les droits des syndicats pour négocier dans l’entreprise sur l’IA  ?

  • Peut-on négocier sur l’IA  ?

Oui, il est possible de négocier sur l’IA car tous les sujets peuvent faire l’objet de négociations.

La négociation peut porter spécifiquement sur l’introduction d’un système d’IA dans l’entreprise, par exemple en prévoyant les étapes de déploiement, etc., mais la question de l’IA peut également être l’objet d’autres thèmes de négociation (gestion des emplois et des parcours professionnels et mixité des métiers – GEPPMM –, négociations annuelles obligatoires, égalité professionnelle, qualité de vie au travail, etc.).

La CGT a participé au projet Dial-IA porté par l’Ires et d’autres organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, FO), qui propose de nombreux outils pour accompagner la négociation collective sur l’IA (argumentaires, contenus d’accords, etc.).

  • Dans quelles négociations traite-t-on des sujets numériques/IA ?

Toutes les négociations peuvent porter sur l’IA, car l’utilisation ou la production de cet outil a un impact sur la rémunération, l’emploi, la formation, le handicap, etc.

Concernant l’emploi et la formation, les accords de GEPPMM (articles L. 2242-20 et suivant du Code du travail) obligatoires dans les entreprises de plus de 300 salarié·es peuvent prévoir notamment des engagements sur la préservation des emplois et aussi des plans de formation suite à l’introduction d’un système d’IA ou alors en amont de son introduction.

  • L’employeur peut-il utiliser l’introduction de l’outil d’IA pour justifier des suppressions ou des réorganisations de l’emploi dans l’entreprise  ?

Les employeurs utilisent de plus en plus le prétexte de l’introduction de systèmes numériques tels que les outils d’IA pour justifier des suppressions d’emploi ou des réorganisations du travail. Il faut distinguer deux régimes différents.

D’abord le « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) qui vise à supprimer des emplois et doit être validé par le ministère du Travail (la Dreets). Les employeurs utilisent parfois le motif de « mutation technologique » pour justifier le recours aux licenciements économiques comme le précise l’article L. 1233-3 du Code du travail, mais le ministère du Travail a déjà rejeté de tels plans de licenciements. Les employeurs peuvent également soulever le motif de « sauvegarde de la compétitivité » au regard des concurrents de l’entreprise.

L’entreprise peut aussi engager les négociations sur un accord de performance collective (APC) prévu à l’article L. 2254-2 en prévoyant par exemple une diminution du temps de travail et, en cas de refus par le/la salarié·e, l’employeur pourrait recourir au licenciement.

Ce sont des accords qui ne sont pas soumis à la validation du ministère du Travail.

Pour la CGT, ces accords permettent aux entreprises d’amputer les droits des salarié·es, en matière de temps de travail ou de rémunération, sans être tenues de justifier de difficultés économiques ou de s’engager sur un maintien de l’emploi. C’est un outil de chantage à l’emploi, mettant les salarié·es face à un choix qu’ils et elles ne devraient pas supporter : faire des concessions sur leurs droits ou perdre leur emploi. Comme toujours, les efforts sont demandés aux salarié·es, sans que les dirigeant·es ou les actionnaires ne soient également mis·es à contribution. Il s’agit d’un renversement de la responsabilité des employeurs vers les salarié·es.

De même, l’entreprise peut engager des négociations sur un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) prévu aux articles L. 1237-19 et suivants du Code du travail qui a pour objet de réduire les effectifs, ces accords sont soumis à la validation de la Dreets. Là encore ces accords permettent aux entreprises de réduire leurs effectifs sans avoir à justifier de difficultés économiques ou de s’engager sur un maintien dans l’emploi.

  • Peut-on utiliser les enjeux de formation professionnelle (plan de développement des compétences, négociations GEPPMM) pour s’exprimer sur l’IA  ?

L’un des enjeux propres à l’IA est la formation des salarié·es à l’utilisation de l’IA et à l’intégration de l’IA comme un outil de travail, le cas échéant.

L’employeur a une obligation générale de formation des salarié·es (article L. 6321-1 du Code du travail) et doit permettre aux salarié·es de s’adapter à l’évolution de leur poste de travail. En cas de mise en place d’un système d’IA dans l’entreprise, l’employeur doit donc pouvoir former tou·tes les salarié·es à son utilisation.

Lors des négociations relatives à la GEPPMM, les syndicats peuvent émettre des revendications fortes en termes d’emploi et de formation à l’IA lié à l’introduction d’un système d’IA dans l’entreprise :

  • reconnaissance des qualifications (en lien avec le positionnement dans les classifications et donc de reconnaissance salariale) ;
  • contrôle du contenu du plan de développement des compétences (PDC) (articles L. 6312-1 et L. 6321-1 du Code du travail) produit par l’employeur afin qu’il soit adapté aux besoins des salarié·es.

Ainsi, les enjeux de formation professionnelle sont parmi les plus importants concernant l’IA.

Conseils CGT  :

  • au vu de la vitesse de déploiement de l’IA il est recommandé de solliciter le déclenchement de négociations GEPPMM (avant même le délai de trois ans) afin de prendre en compte les impacts sur le travail et les besoins de formation ;
  • dans le cadre des négociations GEPPMM, il faut exiger la reconnaissance des évolutions professionnelles des salarié·es en lien avec l’IA. 
  • Quel risque pour l’employeur s’il ne négocie pas  ?

Un employeur qui ne négocie pas sur ce thème prend un risque réputationnel : aucune entreprise ne pourra justifier de supprimer des emplois à cause de l’IA, sans avoir ouvert de réelles négociations visant à anticiper les effets de l’IA sur les conditions de travail et d’emploi des salarié·es.

Le Code du travail ne prévoit pas d’obligation de négocier sur l’IA en tant que telle, cependant l’introduction d’un système d’IA peut être intégrée dans l’une des négociations obligatoires prévues par le Code du travail.

Si l’employeur se soustrait à ses obligations de négocier sur les thèmes obligatoires, il se rend coupable de délit d’entrave et s’expose à un an d’emprisonnement et à une amende de 3 750 € (article L. 2243-1 du Code du travail). Si l’employeur ne convoque pas les organisations syndicales représentatives à la négociation, il peut être condamné pour délit d’entrave puisqu’un accord collectif ne peut être conclu ou révisé sans que l’ensemble des organisations syndicales représentatives aient été invitées à sa négociation (Cass. crim., 28 octobre 2008, n° 07-82-799). En revanche, s’il a entamé la négociation mais qu’elle n’a pas abouti à la conclusion d’un accord, alors un PV de désaccord doit être établi, et l’employeur doit y faire figurer les mesures qu’il entend appliquer unilatéralement, conformément à l’article L. 2242-5 du Code du travail.

03 - Quels sont les droits des instances représentatives du personnel sur l’IA  ?

  • Dans quel cadre le CSE peut-il être informé et consulté sur l’IA  ?

Il faut distinguer les consultations récurrentes et les consultations ponctuelles du CSE.

CONCERNANT LES CONSULTATIONS RÉCURRENTES prévues à l’article L. 2312-17 du Code du travail. La question de l’IA peut être intégrée dans tous les thèmes de consultations, à savoir les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise et enfin la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi :

  • concernant les orientations stratégiques de l’entreprise : la question de l’IA peut être abordée notamment au regard de la mise en place d’un système d’IA dans l’entreprise, de son utilité, de son coût, de son effet sur la qualité de la production de l’entreprise, mais aussi sur sa réputation, etc.
  • concernant la situation économique et financière de l’entreprise : la question de l’IA peut être abordée sous le prisme de la politique de recherche et développement ;
  • concernant la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi : la question de l’IA peut être abordée au sujet des effets sur l’organisation du travail et les politiques managériales sur les conditions de travail, sur les salaires, sur la reconnaissance de la qualification, sur la formation des salarié·es, etc.

Outre les thèmes de consultations récurrentes prévus à l’article précité, l’employeur doit consulter le CSE sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et sur ses mises à jour en application de l’article L. 4121-3 du Code du travail. Cette consultation peut donc intégrer des sujets liés à l’IA notamment au regard des risques que son introduction dans l’entreprise peut présenter pour les salarié·es.

La mise à jour du DUERP doit se faire a minima chaque année, donc le CSE doit être consulté au moins tous les ans sur la mise à jour du document en application de l’article R. 4121-2. En plus de la consultation annuelle sur le DUERP, le CSE peut rendre un avis sur ce document à d’autres occasions (article R. 4121-2 du Code du travail).

CONCERNANT LES CONSULTATIONS PONCTUELLES, l’employeur doit consulter le CSE sur l’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail – article L. 2312-8 4° du Code du travail. Cette disposition vise directement l’introduction d’un système d’IA dans l’entreprise.

D’autres cas peuvent viser l’introduction ou l’utilisation d’un système d’IA dans l’entreprise et notamment en cas de mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salarié·es – article L. 2312-38 du Code du travail – qui prévoit expressément que le CSE est informé préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidat·es à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci. Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de celle-ci. Ces dispositions peuvent viser ainsi des systèmes d’IA pour la mise en place desquels le CSE doit être informé et consulté.

Ainsi, au regard de toutes les dispositions précitées, en cas de mise en place d’un système d’IA dans l’entreprise, l’employeur est tenu de consulter le CSE.

Dans tous les cas d’information-consultation du CSE, les membres de l’instance peuvent demander :

  • à avoir recours à une expertise ;
  • à avoir accès à des documents : cahier des charges, spécifications techniques et informations sur le réglage de l’outil d’IA, fiches de poste, organigramme, etc.
  • à obtenir des réponses aux questions suivantes :
    • à quoi servent les outils d’IA ? À déterminer les évaluations des salarié·es  ? Leur rémunération ? Les effectifs ? Sont-ils meilleurs que les décisions humaines ?
    • Qui porte la responsabilité des actions mises en œuvre directement ou indirectement par l’IA  ?
    • Quels seront les effets à long terme et à court terme du déploiement de l’outil d’IA sur les emplois, les qualifications et les salaires qui en découlent, les conditions de travail ?
    • Quelles formations seront déployées auprès des salarié·es pour s’approprier l’outil  ?
    • Quelles sont les mesures de sécurité mises en œuvre sur les données (usage, mesures en cas de fuite, espaces de stockage, etc.)  ?
  • Le principe d’information-consultation des représentant·es des travailleurs·ses a été réaffirmé par le règlement européen sur l’IA (considérant 92 du règlement). Il s’appliquera pleinement à compter du 2 août 2026. Les directions ne peuvent donc pas ignorer que l’IA est un sujet légitime d’information consultation. 
  • Quel risque si l’employeur ne le fait pas  ?

Si l’employeur se soustrait à son obligation d’informer et consulter les représentant·es du personnel dans le cadre du recours à l’IA dans l’entreprise, le CSE peut saisir le tribunal judiciaire (TJ) en la forme des référés pour enjoindre l’employeur à le consulter sur l’introduction de ces outils.

D’autre part, l’employeur ne peut valablement mettre en place le projet tant que le CSE n’a pas rendu son avis et donc n’est pas réputé avoir été consulté. Ainsi, si le comité n’a pas encore rendu son avis, le déploiement anticipé de l’IA constitue un trouble manifestement illicite, le TJ peut donc ordonner la suspension de la mise en œuvre des outils d’IA jusqu’à la clôture de la consultation (TJ de Nanterre 14 février 2025, n° 24/01457).

Outre la procédure de référé, quand la consultation du CSE est rendue obligatoire par le Code du travail, le fait, pour l’employeur de ne pas consulter le comité est constitutif d’un délit d’entrave sanctionné par l’article L. 2317-1 du Code du travail, dans ce cas l’employeur s’expose à une amende de 7 500 €. L’action pour entrave doit être faite devant le tribunal correctionnel.

  • Quelles rubriques de la BDESE portent sur les enjeux relatifs à l’IA  ?

Le contenu supplétif de la base de données économiques, sociales et environnementales est fixé aux articles R. 2312-8 à R. 2312-10 – chaque entreprise peut donc, par accord, prévoir de faire évoluer ce contenu et donc les rubriques présentées dans la BDESE par accord. Ainsi, chaque contenu de BDESE peut varier et donc d’autres rubriques peuvent porter sur les enjeux relatifs à l’IA. Les dispositions supplétives du Code mentionnent plusieurs rubriques dans lesquels des enjeux relatifs à l’IA pourraient être mentionnés et notamment :

La direction doit fournir ces données en anticipant leur évolution sur les trois années à venir (article R. 2312-10 du Code du travail) y compris en ce qui concerne les effets sur l’emploi à anticiper en lien avec l’introduction d’un outil d’IA.

Si la BDESE n’est pas complète le CSE peut saisir le juge en référé pour les obtenir, y compris sous astreinte.

  • Le CSE peut-il voter une expertise concernant l’introduction d’un système d’IA dans l’entreprise ? Si oui, dans quel(s) cadre(s) ? Qui paye  ?

Il est très recommandé d’avoir recours à l’aide d’un·e expert·e pour évaluer les effets du déploiement de l’outil d’IA. Il est conseillé de cadrer le contenu de l’expertise avec le cabinet d’expertise en amont. Le guide CGT « Lutter avec les chiffres » apporte de nombreux conseils sur le recours à l’expertise.
 

Type d'expertise Rèférence juridique Avantages INconvénients

Financement 

(art. L.2315-80 CT)

Introduction
d’une nouvelle
technologie
art. L. 2315-94 2° CT Notion autonome - pas de nécessité d’avoir
des conséquences sur les conditions de
santé, sécurité et conditions de travail*
Si le système d’IA a déjà été introduit dans
l’entreprise - risque de refus de l’expertise
au motif que l’introduction de la nouvelle
technologie a déjà eu lieu
80 % employeur
20 % CSE
Consultations
récurrentes –
politique sociale
de l’entreprise
art. L. 2315-91 CT Peut se rattacher aisément à l’IA qui est
susceptible d’avoir des conséquences sur la
politique sociale de l’entreprise
Ne nécessite pas que l’introduction soit
prévue, si un système d’IA est déjà implanté
dans l’entreprise, possibilité de recourir à
l’expertise tout de même
Nomination d’un expert-comptable 100 % employeur
Consultations
récurrentes – situation
économique
et financière
de l’entreprise
art. L. 2315-88 CT Financement à 100 % par l’employeur Nomination d’un expert-comptable - il
peut s’avérer difficile de rattacher l’IA à la
situation économique et financière de l’entreprise,
sauf à ce que l’introduction de l’IA
suppose des conséquences sur la situation
économique et financière
100 % employeur
Consultations
récurrentes –
orientations
stratégiques
art. L. 2315-87 CT Peut facilement se rapporter à l’introduction
d’un système d’IA dans l’entreprise
Nomination d’un expert-comptable - pas de
prise en charge à 100 % par l’employeur
80 % employeur
20 % CSE
Projet de
licenciement
économique
art. L. 2315-92 2° CT Peu de contestation de l’expertise sur ce
motif - prise en charge à 100 %
Est subordonné à l’existence d’un projet de
licenciement économique
100 % employeur
Risque grave art. L. 2315-94 1° CT Expert habilité Attention, dans ce cas le CSE doit apporter
des éléments attestant de l’existence
d’un risque grave - Cass. soc. 18 mai 2022
n° 20‑23.556
80 % employeur
20 % CSE

* Le TJ de Pontoise a considéré dans un jugement du 15 avril 2022 qu’il ressort du nouvel article L. 2315-94 que les deux notions d’introduction d’une nouvelle technologie et de l’existence de répercussions sur les conditions de travail des salarié·es sont indépendantes l’une de l’autre donc l’introduction d’une nouvelle technologie se suffit à elle-même pour justifier la désignation d’un expert dans le cadre de la consultation du CSE.

 

  • Peut-on utiliser les enjeux de santé et de sécurité au travail et de prévention des risques professionnels pour s’exprimer sur l’IA  ?

L’introduction d’un système d’IA dans l’entreprise peut avoir des conséquences sur les postes de travail des salarié·es et donc sur leurs conditions de travail. Des études montrent que l’introduction de l’IA dans le travail peut avoir pour effet notamment une augmentation des risques socioorganisationnels ou risques psychosociaux (RPS). L’INRS liste 6 catégories de facteurs de RPS : l’intensité et la charge de travail, les exigences émotionnelles, le manque d’autonomie, les rapports sociaux au travail dégradés, les conflits de valeurs, l’insécurité de la situation de travail. Ces 6 catégories de facteurs de risque doivent donc être :

  1. Évaluées dans le DUERP (articles L. 4121-2, L. 4121-3, L. 4121-3-1, et R. 4121-1 et suivants du Code du travail) ;
  2. Combattues à la source grâce à des mesures de prévention listées dans le Papripact (articles L. 2312‑27 et  L. 4121-3-1 du Code du travail), ou le DUERP pour les entreprises de moins de 50 salarié·es ;
  3. Mesures dont l’efficacité doit être mesurée tous les ans dans le rapport annuel sur les conditions de travail (article L. 2312-27 du Code du travail et arrêté du 12 décembre 1985).

Ainsi, pour mesurer, envisager et prévenir l’existence des risques induits par l’IA, les documents de prévention de risques montrent leur utilité. Les prérogatives du CSE : évaluer les risques (article L. 2312-9 du Code du travail), voter des avis sur le contenu des documents de prévention des risques (articles L. 2312-27, L. 4121-3 du Code du travail, etc.), sont des points d’appui pour l’action syndicale. Ces étapes importantes permettent de mesurer les effets de l’introduction de l’IA dans l’entreprise, et de faire évoluer les mesures de prévention des risques que cet outil induit.

  • Qu’apporte le règlement sur l’IA (IA Act) pour les membres du CSE  ?

Le RIA réaffirme le principe de l’obligation d’information et de consultation des représentant·es du personnel en cas de mise en œuvre d’une IA dans l’entreprise : « Le présent règlement est sans préjudice des obligations incombant aux employeurs d’informer ou d’informer et de consulter les travailleurs ou leurs représentants en vertu du droit et des pratiques de l’Union ou des États membres […] sur les décisions de mise en service ou d’utilisation de systèmes d’IA. » (Considérant 92 du RIA).

Plus globalement, en droit du travail le RIA prévoit des interdictions de recours à certains systèmes d’IA qui pourraient notamment être utilisés à l’égard des travailleur·ses – par exemple la reconnaissance des émotions sur le lieu de travail est explicitement interdite par le RIA. Les pratiques interdites sont listées à l’article 5 du règlement sur l’IA (IA Act) qui est entré en vigueur le 2 février dernier (entrée en vigueur des 2 premiers chapitres du règlement).

 

DANS LA FONCTION PUBLIQUE - TABLEAU DE CONCORDANCE
Prérogative CSE
(droit du travail)
CSA
(fonction publique d’État)
CSE
(fonction publique hospitalière)
CST
(fonction publique territoriale)
Information/
débat
Information dans le cadre de la
consultation (art. L. 2312-8 4° CT)
Le comité peut examiner toute
question générale relative
aux évolutions technologique
(art. R. 253‑5 3° CGFP)
  art. R. 253‑9 2° CGFP
Consultation
nouvelle
technologie
art. L. 2312-8 4° CT     Avis pour introduction de nouvelles technologies des formations sépcialisées au sein des comités sociaux d’administration (art. R. 253‑21 2° CGFP) La formation spécialisée est
saisie pour avis en cas de
projets importants d’introduction
de nouvelles technologies
(art. R. 253‑29 2° CGFP)
Formation spécialisée saisie
pour avis en cas de projets
importants d’introduction
de nouvelles technologies
(art. 253‑25 RGFP)
Diligenter
une expertise
Introduction d’une nouvelle technologie
(art. L. 2315‑94 2° CT)
Expertise en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail lorsqu’il ne s’intègre pas dans un projet de réorganisation de service
(art. R. 253‑54 et suivants CGFP)
Financement
de l’expertise
Voir question 14 Les frais d’expertise sont supportés par l’administration ou l’établissement dont relève la formation
spécialisée (art. R. 253‑54 CGFP)
Négociation Voir questions 6 à 10 art. L. 222‑3 CGFP



 

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Tag(s) : #Actualité revendicative, #Publication CGT
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