Mercredi 11 décembre, le Conseil des ministres du gouvernement démissionnaire a présenté une loi spéciale visant à « garantir la continuité de la vie nationale ».
Une loi spéciale aux cadre et contenu limités
Annoncée par Emmanuel Macron à la suite de la motion de censure ayant poussée à la démission du gouvernement, cette loi devait être déposée avant le 19 décembre. Elle a fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat qui limite son objet et reconnaît au gouvernement démissionnaire la compétence pour la présenter. Elle intervient donc avant la nomination du futur gouvernement.
Elle devrait être promulguée quelques jours avant le 31 décembre afin que soit pris le décret permettant d’ouvrir les services votés. C’est une loi temporaire prise en urgence en attendant le vote des PLF et PLFSS 2025.
- La principale mesure consistera à autoriser le gouvernement « à continuer à percevoir les impôts existants ». Ce cadre prévoit également la reconduction des dépenses de l'Etat à leur niveau de 2024, via des décrets ouvrant les crédits applicables. Implicitement cela concerne les prélèvements sur les recettes pour les collectivités territoriales et l’Union Européenne. Le Gouvernement ne pourra pas prendre les mesures d’économie prévues, ni augmenter les recettes fiscales.
- Sauf nécessité pour la continuité de la vie nationale ou motif d’urgence caractérisé, le Gouvernement ne pourra pas procéder à de nouveaux investissements ou à des dépenses discrétionnaires de soutien aux associations, aux entreprises ou aux collectivités.
- Les deux autres dispositions devraient permettre à l’État et à la Sécurité sociale d’emprunter sur les marchés financiers, via leurs agences dédiées, afin d’éviter la cessation de paiements.
Les crédits d’impôt arrivant à échéance fin 2024 (ex. Crédit d’Impôt Innovation pour les entreprises) ne peuvent pas être reconduits. Les subventions attribuées en 2024 seront honorées, mais aucune nouvelle subvention ne pourra être accordée sans une loi de finances 2025.
Ainsi les subventions attribuées pour les collectivités au titre du fonds vert de deux milliards d’euros pour « accélérer la transition écologique dans les territoires » ne peuvent être attribuées sans une nouvelle loi de Finance.
Les programmes comme “MaPrimeRénov” ou les fonds de transition écologique continuent selon les règles existantes, mais aucune extension ou révision ne peut être réalisée. Cependant, le gouvernement a publié le 5 décembre des textes réglementaires qui baissent le niveau maximum des avances délivrées aux ménages aux ressources « très modestes » de 70 % à 50 % dans le cadre de la prime de transition énergétique.
Le bouclier tarifaire pour les entreprises électro-intensives ne sera pas non plus prolongé sans une nouvelle loi. De même que les nouveaux projets d’investissement sont gelés.
Rappelons tout d’abord que la CGT s’oppose au principe même du PLFSS. Force est de constater que ce PLFSS aura au moins servi à quelque chose en permettant de faire tomber le gouvernement puisque c’est l’opposition à ce texte, qui a obligé le gouvernement à engager sa responsabilité via l’article 49-3 et à subir en conséquence la motion de censure finalement votée.
En cette mi-décembre la situation est donc à première vue positive puisque :
- premièrement les mesures du PLFSS pour 2025 ne sont plus d’actualité,
- deuxièmement le financement de la Sécurité sociale semble sécurisé grâce la loi spéciale.
Les reculs de droits prévus dans le PLFSS 2025 mi-octobre et ensuite dans les pseudo-débats parlementaires ne seront donc pas appliqués. Comme chaque année le PLFSS ne contient aucune mesure positive de fond hormis quelques mesures cosmétiques qui ne pèsent pas grand-chose face aux reculs organisés par ailleurs.
La seule mesure positive de ce PLFSS a été la légère remise en cause des exonérations de cotisations sociales (4 sur 80 milliards) qui a été détricotée immédiatement par la majorité de droite au Sénat et par les Macronistes à l’Assemblée avec le soutien du patronat.
Mais il ne faut pas douter de la possibilité très forte pour ces mesures de revenir car même si le gouvernement Barnier a expliqué avoir préparé ce budget en 15 jours, en réalité il est préparé depuis des mois par la haute administration et le précédent gouvernement. On se souviendra à cet égard de la mobilisation du directeur de l’assurance maladie contre les indemnités journalières au nom des économies budgétaires.
En termes de calendrier, la loi spéciale ne peut pas permettre au gouvernement de prendre de nouvelles mesures en matière de Sécurité sociale.
Les mesures nouvelles devront passer :
- soit dans la prochaine version du PLFSS 2025 présentée par le gouvernement
- soit par décrets sous réserve qu’elles relèvent bien du domaine réglementaire.
À noter que la possibilité de mesures nouvelles pour un gouvernement démissionnaire en charge de gérer les affaires courantes est de fait limitée sans être pourtant clairement formalisée compte-tenu de la définition floue d’affaires courantes.
Le nouveau gouvernement va devoir présenter un nouveau PLFSS début 2025 pour que la procédure budgétaire en matière de Sécurité sociale reprenne son cours normal.
Les mobilisations pour les emplois, l’industrie, les services publics, la sécurité sociale, le pouvoir d’achat, pour une justice sociale, fiscale et environnementale qui se multiplient dans la période pèseront sur les débats des futurs Projet de loi de Finances et Projet de Loi de financement de la Sécurité Sociale.
Elles mettent sous pression le futur gouvernement et le Parlement pour gagner le progrès social !